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Désirs de Dieppe d’un parisien

Ma vie se partage entre Dieppe, Paris, et mes déplacements professionnels à l’étranger. Lorsque je m’apprête à  quitter Dieppe pour retourner en région parisienne, je suis de nouveau dans la « zone ». Cet état d’esprit transitionnel juste avant de quitter Dieppe pour Paris. Cela commence généralement pendant le déjeuner du dimanche, et ne se termine que lorsque j’arrive physiquement en région parisienne.

Je m’enfonce dans une sorte de langueur détachée, quelque part entre mélancolie et veille. Au déjeuner en famille, je suis vaguement conscient de ce qui se passe autour de moi mais je ne suis pas vraiment sûr de ce que je fais à cet endroit, à ce moment précis. Je glisse dans et hors des conversations. Quand je dis au revoir à mes voisins Dieppois, je fais comme si je ne partais que peu de temps, dans une ville voisine, alors qu’en réalité je peux rester éloigné plusieurs semaines. C’est une pensée étrange.

J’aime me promener sur le Quai Henri IV le dimanche matin. Je me sens un peu désorienté, je sais et je sens profondément que je suis prêt à partir, mais en quelque sorte ce moment à venir n’est pas encore arrivé, et en attendant je me retrouve à scruter des détails triviaux dans le paysage que je ne remarquerais pas normalement (la rougeur écrasante d’un mur de briques, pour exemple; ou le reflet du ciel dans une fenêtre) comme si je les voyais pour la première fois.

Le quai Henri IV de Dieppe
Le quai Henri IV de Dieppe

Le temps passe extrêmement lentement. Parfois, je suis submergé par le désir de Dieppe, même si je ne suis pas encore parti. Je regarde par la fenêtre du bus des parties de la ville qui me sont familières mais qui sont maintenant devenues immatérielles, irréelles, car en un jour ou deux, ces scènes se dissoudraient complètement et seraient remplacées par d’autres scènes familières et extraterrestres (dans Paris ou ailleurs en Europe).

Cette léthargie se transforme en une sorte d’attente résignée le jour de mon départ. Je me lève le matin, me douche et me prépare mécaniquement à l’inévitable attente de quatre à six heures avant le retour à Paris. Mes dimanches sont très impactés par cette attente et cet état d’esprit. J’attends patiemment que le moment soit venu de quitter la maison, puis de conduire deux heures (au mieux) jusqu’à Paris.

Je ressens la même impression lors de mes fréquents déplacements professionnels à l’étranger. A l’aéroport, une fois l’enregistrement et le contrôle de sécurité terminés, il n’y a plus rien entre moi et le temps. J’en tue une partie en parcourant les magazines, mais finalement, je dois me contenter de l’attente d’une heure, dans le salon de l’aéroport, tout seul, en essayant de lire mon magazine, mais distrait par toutes les pensées qui me traversent l’esprit. Parfois, j’essaie d’écrire, comme je le fais maintenant.

Quelques lectures ou email plus tard, il est temps de monter dans l’avion. Je rassemble mes affaires et suis le chemin prédéterminé jusqu’à ma porte et mon avion. J’occupe mon siège comme tout le monde et j’essaie de me mettre à l’aise même si je sais que je ne pourrais jamais l’être.

Enfin, l’avion décolle et tout se met alors en place. Je sais à quoi m’attendre pour les 2 ou 3 prochaines heures au moins (je vais souvent dans les pays du nord de l’Europe). Je tombe dans ma routine: film, repas, sieste, lecture sur ma tablette. Le temps passe assez vite. Lorsque l’avion a atterri je me prépare pour la course folle vers la douane, pour prendre de l’avance sur la ligne avant même qu’elle ne se forme.

Ces sentiments sont donc continus, de Dieppe à Paris, de Paris à ailleurs lors de mes déplacements, puis de Paris à Dieppe. C’est donc un sentiment accaparant, ou l’attente et l’exaltation d’être à nouveau à Dieppe ou Oslo se succèdent. C’est une zone surréaliste, entre quitter une ville qui représente une vie et ses valeurs, et arriver dans une autre.

Par Patrick Cousi

Je suis amoureux de Dieppe depuis de nombreuses années, j'y vis et je communique largement sur l'esprit de cette ville et son mode de vie qui me conviennent parfaitement.

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